COURIR A 180 PAS PAR MINUTE
A l’occasion
des Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984,
l’entraîneur Jack Daniels a observé
que les coureurs engagés dans les distances de 800m jusqu’au marathon
développaient une cadences qui tournait en moyenne autour de 180 foulées par
minute. Sa principale interprétation fut que les coureurs qui ne faisaient pas
de trop longues foulées semblaient avantagés.
Puis, peu à
peu ce chiffre est devenu une référence, synonyme d’une cadence idéale, d’un
chiffre magique pour réduire l’amplitude de la foulée, et ainsi diminuer les
traumatismes des impacts au sol et maintenir une posture plus droite. Mais la
cadence de la foulée ne peut se résumer à un seul chiffre, car chaque coureur
possède sa propre façon de courir. En outre, beaucoup de champions ont une cadence
supérieure à 180 foulées par minute.
La cadence
en course à pied correspond au nombre de pas réalisé en une minute. Un coureur débutant
aura tendance à courir autour de 155 à 160 pas par minute alors qu’un coureur
expérimenté se situera plutôt autour de +/- 180 pas par minute (ppm) mais ce
constat n’est pas vrai pour tout le monde. Réponse dans l’article ;)
UNE CADENCE A 180 PAS EST IDEALE ?
En terme de
biomécanique courir avec une cadence de 170 à 190 pas par minute serait plus
bénéfique pour le coureur. En effet 180 ppm serait la cadence la plus efficace,
celle qui donnerait la foulée la plus fluide. De
plus cela augmenterait l’économie de course
(plus de rebond élastique, moins de travail musculaire) Enfin cela réduirait la vitesse d’impact au sol (associée par certaines
études à l’incidence des blessures) en plus de réduire le stress mécanique sur
les articulations des genoux, des hanches et du bas du dos. En d’autres termes,
au lieu d’utiliser uniquement notre énergie pour se propulser, on utiliserait
l’impact au sol pour rebondir grâce à l’élasticité du pied et de la cheville.
QUE DIT LA SCIENCE ?
De
nombreuses études allant du 5000m jusqu’au marathon se sont intéressées à la
cadence de pas. Autre point intéressant,
certaines études se sont intéressées aux professionnels, et d’autres à de
simples amateurs. Le fait est que les cadences observées chez ces sujets se
retrouvent autour de 170 à 190 ppm.
1. L’effet de la fréquence de pas sur le pied des
coureurs :
Cette étude
menée sur 40 coureurs (23 femmes et 13 hommes) sains avec une attaque talon a
étudié l’influence de l’augmentation graduelle de 5, 10 et 15% de la cadence de
pas préférentielle. L’étude à conclut que la « manipulation de la cadence
de course avec une augmentation de 10% ou plus peut-être suffisante pour
influencer le type de prise d’appui vers une attaque au sol plus antérieure
(médio-pied) L’observation la plus significative d’une augmentation de la
cadence était la réduction de l’angle d’inclinaison du pied lors du contact
dont la conséquence est une diminution
des force d’impact. »
è The effect
of step rate manipulation on foot strike pattern of long distance runners
(Darell J. Allen & all 2016)
2. Fréquence de pas élevée = réduction de la force
d’impact :
Cette revue
basée sur 10 études à mit en avant le fait que l’augmentation de la fréquence
de pas semblerait être corrélée avec une diminution de l’excursion verticale du
centre de masse, les forces de réaction du sol , l’atténuation du choc
ainsi que l’énergie absorbée à la hanche, au genou et à la cheville.
è Influence of
stride frequency and length on running mechanics : A systematic Review
(Schubert 2014)
EN RESUME :
· Diminution de l’attaque talon : Lorsque votre fréquence de pas
augmente, vous avez généralement une attaque de pied qui se concentre moins sur
le talon, ou tout au moins avec un angle pied-sol beaucoup plus faible (pied
plus rasant, attaque moins vers l’avant)
Temps de contact au sol réduit : Le fait d’avoir une cadence plus élevée va imposer un stress mécanique moindre sur votre corps car voter foulée va imposer une vitesse de force d’impact plus modéré. Plus vous passez de temps en contact avec le sol et plus vous accumulez des ondes de chocs qui se propagent dans vos articulations.
Une économie d’énergie non négligeable : Bien que cela ne soit pas encore très clair en terme d’étude, il semblerait qu’en augmentant la cadence de pas, l’économie d’énergie serait plus grande. (utilisation d’avantage de l’énergie élastique et de « ressort » naturelle)
VERS UNE CADENCE UNIVERSEL ?
Non, la
cadence unique pour tous n’existe pas. En effet, la cadence de pas, tout comme
la longueur de la foulée est variable en fonction de la vitesse et de
l’individu. En fixant la cadence à une variable donnée, on ne peut que diminuer
ou augmenter la longueur de la foulée si on veut varier la vitesse, ce qui aura
pour effet d’altérer la technique de course.
Quand on
observe des coureurs qui vont encore plus vite, en l’occurrence les sprinters
de 100m, on mesure des cadences allant jusqu’à 250 ppm. Et lorsqu’on sort du
contexte compétitif et qu’on étudie les coureurs élites à vitesse d’endurance,
on arrive plutôt à des cadences de 160-170 ppm.
Divers facteurs
expliquent cette différence de cadence d’un individu à l’autre. Le premier est
la taille de l’athlète. En effet, à vitesse égale, deux personnes de tailles
différentes ne courront pas à la même cadence ; la personne plus grande,
du fait de ses plus grandes foulées aura une cadence plus lente. Le type de
chaussure est aussi susceptible de modifier la cadence. Plus la chaussure est
« amortissante » et plus la durée de contact avec le sol est
augmentée, et la cadence est alors diminuée. Enfin, la cadence, ainsi que la
longueur de la foulée peut diminuer avec la fatigue.
A garder
aussi en mémoire que plus nous allons vite et plus notre cadence augmente. En
effet, à une allure plus rapide, notre cadence et notre longueur de foulée
augmente. Cette modulation nous permet de trouver naturellement un équilibre
favorisant une meilleure économie de course. Ainsi plus la
cadence de pas sera élevée et plus la relance sera dynamique lors de chaque
foulée, vous jouez avec l’élasticité musculaire. Pour courir plus
vite, vous avez donc deux options : soit augmenter votre cadence de
course, soit faire des foulées plus longues.
COMMENT CALCULER & AMELIORER SA
CADENCE ?
Vous l’avez
compris, avoir une meilleur cadence vous rendra plus efficace (moins d’énergie
consommé) et réduira les chocs aux niveaux des articulations.
Afin de
connaître votre cadence vous avez plusieurs solutions :
- A
l’ancienne en comptant ses pas. Vous choisissez un pied et vous compter le
nombre de fois qu’il touche le sol en 1 minute par exemple que vous
multiplierez par deux.
- Avec la
majorité des montres ou un podomètre.
Améliorer sa
cadence en course à pied, c’est comme tout : le maître mot est la progressivité. Si vous êtes à une
cadence moyenne de 150 ppm, la pire solution est d’essayer de courir du jour au
lendemain à 180 ppm.
La meilleure
solution pour travailler sa cadence est de télécharger une application
métronome sur votre téléphone afin de suivre le rythme de vos pas quand vous
courez. Ensuite il faudra y aller progressivement.
MISE EN PRATIQUE :
Si vous
voulez essayer lors de votre entraînement vous pourrez commencer par 30s de
course à 180ppm suivi de 30s de marche pendant 15 à 30mns suivant le niveau.
Ensuite vous courrez à 180ppm pendant 45s et marcherez pendant 15s pendant 15 à
30mns et vous finirez par un footing à 180ppm pendant 15 à 30mns.
Pous les
athlètes débutants ou ayant des douleurs aux genoux ou à la hanche, vous pouvez
commencer par 15s de course à 180ppm suivi de 45s de marche pendant 15 à 30mns.
Avec le métronome, c’est facile de se caler sur la bonne fréquence et de la
suivre. La marche après la course permet de ne pas casser le rythme à 180ppm et
donc de courir essentiellement à cette fréquence.
CONCLUSION :
Il n’y a pas
de cadence unique, universelle, mais plutôt une cadence idéale vers laquelle il
faudrait se rapprocher (autour de 180 ppm +/- 10 ppm) A noter que ceci sera
différent pour le trail et le sprint.
Dans le cas
qui nous intéresse il a été observé que plus nous courrons vite et plus notre
cadence augmentait dans des proportions limitées, la fréquence de course
variant selon la vitesse. En effet, nous pouvons avoir une différence de 10 à
20 ppm entre une allure de footing lent, un footing rapide ou une séance à 100%
de la VMA. Par exemple, lors d’un footing lent un sujet peut avoir une cadence
de 175 ppm et se retrouver à 180 ppm sur une allure marathon voir 190 ppm à
100% de la VMA.
Ainsi avoir
une meilleure cadence vous rendra plus efficace : vous dépenserez moins
d’énergie car vous aurez besoins de moins de propulsions à chaque pas. Enfin
vous aurez plus tendance à attaquer le sol avec l’avant du pied (voir prochaine
newsletter : courir en médio-pied) et ainsi réduire les chocs au niveau
des articulations.
Néanmoins
vous avez dû comprendre qu’il y a une certaine limite. En effet cette cadence
« idéale » est bonne pour une majorité de personne et est
principalement à conseiller aux personnes souffrants de douleurs au dos, aux genoux ou aux chevilles… L’idée étant de
réduire les douleurs dues à une mauvaise fréquence d’appuis (réduction des impacts et chocs) Cette méthode étant
très utilisée en kinésithérapie pour les coureurs.
Pour
d’autres, qui courent sans douleurs et à une cadence de 140/150 ppm, le faite
de passer à 180ppm ne sera probablement pas une bonne idée et n’aura pas
forcément d’intérêt.
Finalement,
cette méthode sera conseillée pour diminuer les douleurs lors de la course ou
sera à tester sur des discipline de fond (du 5km au marathon) pour voir les
ressenti et l’amélioration de l’efficience de course, des sensations sur du
moyen terme mais ne sera pas la méthode miracle pour courir comme Mo Farah
(cadence moyenne sur 10km, 165ppm) ou Kenenisa Bekele qui court aux environs de
185ppm.
POUR ALLEZ PLUS LOIN : CALCULER SA
CADENCE
1. Test de la corde à sauter :
La corde à
sauter est un très bon exercice pour calculer sa fréquence d’appui. En effet
lorsque vous faites de la corde à sauter vous allez utiliser l’élasticité de
votre pied en amortissant votre choc sur l’avant du pied, en redescendant très
légèrement sur vos talons et en utilisant la force engendrée pour repartir vers
le haut.
Plus
votre fréquence sera grande et plus le
rebond sera facile à réaliser. En effet vous allez vous servir du système de
synchronisation de fréquence qui rendra optimale votre gestuelle et vous
permettra d’utiliser moins de ressource pour effectuer votre entraînement
(économie d’énergie)
Vous l’aurez
compris, la fréquence se rapprochant de 180 ppm est la valeur que nous
retrouvons le plus souvent chez les coureurs les plus performants et c’est
aussi la valeur que nous retrouvons en corde à sauter.
Essayer de
faire de la corde en sautant de manière peu fréquence et augmentez la
fréquence, vous allez vous rendre compte qu’à une certaine fréquence, il est
beaucoup plus simple et économique d’effectuer votre geste. Vous constaterez
que celle-ci avoisine les 180 ppm.
2. Le test de courir pieds nus :
Bien que
cela ne soit pas la partie la plus appréciées par les coureurs, il est
recommandé par certains, à la fin d’une séance sur piste, de courir pieds nus
pour la récupération. Plus que pour une simple récupération, je vous propose
ici de faire un petit test pieds nus sur piste.
Commencez
par courir pendant quelques minutes de manière lente, puis rapprochez-vous de
votre vitesse de croisière quotidienne. A ce moment-là prêtez attention à
comment se positionne votre pied lorsque vous courrez et quelle fréquence de
pas vous avez. Pour cela vous pouvez vous servir de montres GPS fournissant
l’information ou bien en calculant votre nombre de pas pied droit plus pied
gauche sur 10s que vous multiplierez par 6 OU en vous concentrant que sur la
fréquence de votre pied droit pendant 30s que vous multiplierez par 4.
Votre pied
se positionne t-il en attaque talon en premier ou médio-pied ? Quelle
fréquence de pas avez-vous ?
La fréquence
obtenue vous servira de repère dans un premier temps dans votre travail de
technique de course. Maintenant, chaussez-vous et refaites le même test, à
savoir l’observation de votre pose du pied et le calcul de votre fréquence de
pas. Qu’en est-il ?